Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 10.djvu/281

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— Pas encore ! — s’écrie une voix rude. Et un archer se dresse debout derrière la haie, où il se tenait embusqué ; puis il crie de toutes ses forces : — Alerte, compagnons ! à moi… alerte !…

Franchir la haie d’un bond, saisir l’archer à la gorge d’une main en tirant de l’autre son épée, tel fut le premier mouvement du franc-taupin ; mais les cris du soldat sont entendus, plusieurs autres fantassins, venus en croupe des archers à cheval et postés à l’entour des murailles par le chevalier du guet, qui prévoyait quelque évasion de ce côté, accourent précédés d’un sergent s’écriant :

— Tuez tout !… mais gardez saufs le moine et la nonne !…

Une mêlée s’engage au milieu de la demi-obscurité de la nuit ; Christian, quoique sans armes, après des efforts surhumains pour arracher sa fille aux soldats, est renversé d’un coup d’épée. Ernest Rennepont, Hêna, restent au pouvoir des gens du guet ; et après avoir culbuté, à demi étranglé l’archer qui avait appelé à l’aide ses compagnons, le franc-taupin, jugeant toute résistance inutile, profite du tumulte et des ténèbres, s’éloigne en rampant sur le sol, se tapit derrière la haie, et de là il entend tomber à quelques pas de lui Christian, murmurant d’une voix éteinte :

— Je meurs… ô ma fille !…

L’artisan fut laissé pour mort par les archers ; ils tenaient surtout, selon leurs ordres, à la capture du moine et de la nonne, qu’ils entraînèrent. Peu à peu le silence se fit dans cette solitude, le bruit lointain d’une troupe de cavalerie s’éloignant au grand trot annonça le départ des soldats retournant à Paris ; l’aventurier sortit alors de sa retraite, courut auprès de Christian, s’agenouilla près de lui, écarta son pourpoint, sa chemise, humides de sang, plaça sa main sur son cœur : il battait encore…

— Il n’y a qu’un moyen de salut pour Christian, — se dit le franc-taupin. — Le jardinier a paru navré de la trahison de sa femme… s’il n’est pas arrêté, peut-être consentira-t-il à donner asile au blessé… la courtille de M. Estienne, après l’expédition de cette