Aller au contenu

Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 10.djvu/316

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

jetée sur l’humanité, seulement éclairée çà et là par les flammes du bûcher…

Le bûcher ?… Mon Dieu ! il était là… en face de l’échafaud où François Ier trônait avec sa cour… il était là, le bûcher, attendant ses victimes… Oh ! malheureux père que je suis ! ce récit affreux qui déchire mes entrailles paternelles, il est trempé de mes larmes, cependant il me faut l’achever… il le faut… afin qu’au grand jour prédit par Victoria-la-Grande, les fils de nos fils, instruits des maux de leurs pères, se souviennent !… Oui ! qu’ils s’en souviennent à jamais de cette date funèbre : 21 janvier 1535 !…

Allons, un dernier effort, misérable père ! ta main tremble, tes yeux se voilent de pleurs, ton cœur saigne… mais ce récit est un enseignement terrible… achève… Tu crois à la justice vengeresse ?… Achève ce récit… achève !… les fils de Joel, d’âge en âge, se légueront la vengeance, jusqu’au grand jour des représailles expiatrices…

Hélas ! la fin de cette légende, la voici…

Après la lecture de l’édit qui interdisait en France l’imprimerie, sous peine de mort, le lieutenant criminel vint prendre les ordres du chancelier, celui-ci prit les ordres du roi, il commanda de supplicier, en sa présence, les six hérétiques. Les galantes causeries des courtisanes et des courtisans cessèrent aussitôt ; tous les regards de la royale assemblée se dirigèrent avec une impatiente curiosité vers le bûcher.

Les Mathurins, parmi lesquels se trouvaient le franc-taupin et Odelin, étaient placés près du lieu du supplice ; non loin d’eux se tenaient les Cordeliers. Hervé, debout entre fra‑Girard et le supérieur général de l’ordre, semblait l’objet des flatteuses préférences de ce dignitaire, très-satisfait d’avoir recruté son couvent d’un jeune profès de grand savoir, d’une éloquence naturelle et d’un fougueux fanatisme ; les deux fils de Christian Lebrenn allaient donc assister à cette horrible exécution… et leur sœur Hêna, condamnée au feu, ainsi qu’Ernest Rennepont, comme hérétiques, relaps et sacriléges,