Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 10.djvu/315

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supplices, plane au-dessus des victimes, dont elle glorifie le martyre, et, comme la nuée chargée de foudre, gronde au-dessus des tiares et des couronnes… Comment donc l’atteindre, la pensée, reproduite, propagée à l’infini par l’imprimerie ? comment l’atteindre ?…

Écoutez, fils de Joel, et voyez grandir le spectre de la compagnie de Jésus ; elle a inspiré à François Ier, ces dernières paroles :

« — Messieurs, — ajouta le roi, — il est notoire que la pestilence de l’hérésie se répand surtout par la voie de l’imprimerie ; mon chancelier va vous lire un arrêt portant l’abolition de l’imprimerie dans mes États, sous peine de la hart ! »

Et le cardinal chancelier Duprat de lire à haute voix cet arrêt du Père des lettres, ainsi que les bateleurs de cour appellent François Ier :

« Nous, François Ier, par la grâce de Dieu, roi de France, nous voulons et ordonnons, et nous plaît de prohiber et défendre à tous, imprimeurs généralement, et de quelque qualité ou condition qu’ils soient, qu’ils aient à imprimer aucune chose, sous peine d’être pendus.

» Tel est notre bon plaisir,...............................

» François[1]. »...............................

Cet édit, encore plus stupide, encore plus insensé que sauvage, achevait l’œuvre ; on tuerait le corps, on tuerait aussi la pensée en l’empêchant, sous peine de mort, de se produire. L’arrêt excita les transports de la bande royale ; Jean Lefèvre le jésuite, suspendu aux lèvres du chancelier cardinal, triomphait ; les ténèbres de l’ignorance allaient étouffer la lumière nouvelle ; les Jésuites marcheraient à la conquête de l’empire du monde au milieu de cette ombre profonde

  1. Voir pour cet arrêt, forcément d’ailleurs annulé plus tard : Extrait des registres du Parlement de Paris. Registre LXXVI, p. 413, collat. et ext. par M. Taillandier. — Ap. Introd. à l’Hist. de l’imprimerie de Paris, Mèm. de la société des Antiquaires, t. XII.