Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 10.djvu/321

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« Esprit de Jésus notre roi !
» Augmente notre faible foi ! ! »

Puis, vaincue par la douleur, par l’agonie, par la mort, la voix des hérétiques expira sur leurs lèvres… Les bourreaux s’aperçurent alors qu’ils ne balançaient plus que des cadavres ; ils laissèrent retomber tous à la fois les sièges et les corps à demi calcinés au milieu du bûcher. Le poids de leur chute fit tourbillonner dans les airs une bouffée de flammes, d’étincelles et de fumée… le sacrifice humain était accompli… François Ier, suivi de sa cour, quitta son estrade afin d’assister, en s’en retournant au Louvre, à deux autres exécutions d’hérétiques ; après quoi le roi très-chrétien alla coucher chez sa maîtresse la duchesse d’Étampes.

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Odelin, dominé par l’épouvante même du spectacle auquel il assistait, en soutint la vue jusqu’au bout ; mais lorsque la terrible vision eut disparu, il défaillit, tomba sur le sol, et fut bientôt en proie à de violentes convulsions, attribuées par les Mathurins à l’émotion causée au jeune profès par la première exécution à laquelle il assistait. Deux de ces moines offrirent au franc-taupin de l’aider à transporter le jeune novice dans l’une des maisons voisines ; Joséphin, toujours maître de lui, accepta ce secours ; mais avant de quitter le lieu du supplice, il s’arrêta un moment devant le monceau des six cadavres, que le brasier consumait lentement, et se dit :

— Je le jure ici devant ces cendres… je le jure ici par la mort de ma sœur… par la mort de sa fille, plongée vingt-cinq fois dans la fournaise… je périrai… ou je mettrai à mort vingt-cinq prêtres catholiques !

Odelin fut transporté dans une maison voisine, les Mathurins le laissèrent avec son oncle ; leur habit religieux redoubla l’intérêt que l’adolescent inspirait à ses hôtes. Il reprit connaissance ; il eut ensuite l’énergie de s’acheminer la nuit même, avec le franc-taupin, vers le refuge de la rue Saint-Honoré. Là, ils trouvèrent Robert Estienne ; il