Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 10.djvu/36

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m’affligeaient profondément. Si l’on parle ainsi à Rome librement, publiquement, me disais-je, que serait-ce si les actions répondaient aux paroles, et si tous, pape, cardinaux, courtisans, disaient ainsi la messe ? Et moi qui leur en ai entendu dire dévotement un si grand nombre, comme ils m’ont trompé !… La ville de Rome est remplie de désordres et de meurtres ; on ne saurait croire que de péchés, que d’actions infâmes se commettent dans cette capitale de la chrétienté, il faut le voir et l’entendre. Aussi a-t-on coutume de dire : S’il y a un enfer, Rome est bâtie au-dessus ; c’est un abîme d’où sortent tous les péchés. Plus on approche de Rome, plus on trouve de mauvais chrétiens[1]. »

Enfin, moi, Christian Lebrenn, qui écris ceci, j’ai lu dans l’œuvre de Machiavel, qui vivait à Florence lorsque Luther y passa pour se rendre à Rome :

« Le plus grand symptôme de la ruine prochaine du christianisme, c’est que plus les peuples se rapprochent de la capitale de la chrétienté, moins on trouve en eux d’esprit chrétien ; les exemples scandaleux et les crimes de la cour de Rome sont cause que l’Italie a perdu tout sentiment de piété. Nous devons principalement à l’Église et aux prêtres d’être devenus des impies et des scélérats[2]. »

Telle était la Babylone moderne, si justement, si formidablement attaquée par Luther. Avant lui, et il y a des siècles, vous l’avez lu dans nos annales de famille, fils de Joel, les Ariens au temps de Clovis, plus tard les Pélagiens, puis les Albigeois ou Parfaits, révoltés contre la sanglante tyrannie, contre l’insatiable cupidité, contre les excès scandaleux de l’Église de Rome, avaient tenté de ramener le christianisme à la douce et sainte morale évangélique prêchée par Jésus de Nazareth. Martin Luther (et avant lui, dans le siècle précédent, Jean Huss et Jérôme de Prague) poursuivit l’œuvre de ces ré-

  1. Cité dans l’Histoire de la Réformation au seizième siècle, par Merle d’Aubigné, vol. I., p. 255.
  2. Ibid., p. 256.