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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 10.djvu/40

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sous la domination et l’inspiration des moines ; ils affectent de parler son grossier langage, ils excitent, ils exploitent ses mauvaises passions, ils lui peignent les hérétiques sous les couleurs les plus mensongères, les plus effroyables. Cependant, les hommes honnêtes, éclairés, de toutes les classes, — hélas ! il est vrai, peu nombreux, — se montrent ouvertement ou tacitement partisans de la réforme, selon que leur position leur permet ou non de braver le péril. La princesse Marguerite, sœur de François Ier, femme d’un grand sens et d’un noble esprit, affiche hautement son penchant pour les idées nouvelles, auxquelles se sont ralliés quelques seigneurs, beaucoup de gens de lettres, d’avocats, de riches bourgeois, d’artistes, d’industrieux commerçants. Le premier martyr de la réforme a été de notre temps un pauvre cardeur de laine, natif de Meaux, nommé Jean Leclerc ; soulevé, comme tous les gens de bien, par la vente des indulgences, il afficha sur les murs de la cathédrale un placard où il flétrissait cet infâme trafic. Jean Leclerc fut arrêté, battu de verges, marqué d’un fer chaud et proscrit ; il se réfugia dans la ville de Metz, y prêcha hautement la foi évangélique. Arrêté de nouveau et couronné d’un cercle de fer rouge, comme Guillaume Caillet, le chef des Jacques, il périt sur le bûcher. Les œuvres de Luther ont été, d’après l’ordre de François Ier, livrées aux flammes par la main du bourreau sur le parvis Notre-Dame. Un gentilhomme du pays d’Artois, Louis de Berquin, ayant écrit un livre pour soutenir le luthérianisme, a été brûlé vif à Paris, le 22 avril 1529, sur la place Maubert ; et brûlés aussi : un cordelier à Vienne en Dauphinois, et un curé à Seez, tous deux partisans de la réforme ; enfin, à Toulouse, l’Inquisition a célébré il y a deux ans (le 31 mars 1532) un auto-da-fé où trente-deux hérétiques ont péri par le feu. Malgré ces supplices, préludes d’une persécution sans merci ni pitié, le nombre des réformés va s’augmentant chaque jour dans l’ombre et le secret. L’on parle beaucoup aujourd’hui d’un jeune homme, ancien disciple de l’université de Bourges ; il paraît destiné à devenir le Luther de la France. Fils d’un procureur fiscal