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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 10.djvu/72

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dur, envers ta sœur… Pourtant, tu le sais, elle t’aime tendrement.

À ces derniers mots, Hervé tressaillit, sa physionomie, lorsqu’il entendit prononcer le nom de sa sœur, s’assombrit davantage et prit une expression indéfinissable ; il garda un moment le silence ; sa voix acerbe, assurée, lors de ses dernières réponses touchant sa foi religieuse, s’altéra, et il balbutia :

— J’ai parfois, peut-être, des accès de méchante humeur, dont je prie Dieu de me délivrer… Si j’ai… rudoyé… ma sœur… c’est sans mauvaise intention…

— Nous en sommes certains, mon enfant, — reprit Brigitte. — Ton père te cite ce fait comme l’un des symptômes de ce changement que nous observons en toi et dont nous nous alarmons.

— Enfin, — ajouta Christian, — nous te voyons avec regret renoncer à la société de tes amis d’enfance et ne plus prendre part à d’innocents plaisirs, qui sont ceux de ton âge.

L’accent d’Hervé, si mal assuré lorsqu’il avait été question de sa sœur Hêna, redevint âpre et ferme, il répondit :

— Les amis que je fréquentais naguère sont trop mondains ; mes pensées, maintenant, sont autres que les leurs.

— Tu es libre du choix de tes relations, mon ami, pourvu qu’elles soient honorables ; ainsi, tu es lié depuis peu de temps d’une amitié intime avec fra‑Girard le cordelier…

— Dieu l’a envoyé sur mon chemin… c’est un saint !

— Je ne discuterai pas la sainteté de fra‑Girard ; on le dit, et je le crois, de mœurs honnêtes. J’aurais, il est vrai, préféré te voir une autre intimité ; ce moine a quelques années de plus que toi, tu parais avoir en lui une confiance aveugle, je crains que la ferveur de son zèle ne le jette dans l’intolérance et que tu ne partages la farouche exaltation de ses sentiments religieux. Mais, enfin, je ne t’ai jamais reproché ta liaison avec fra‑Girard…

— Quoi que vous m’eussiez dit, mon père, je serais allé du côté de mon salut.