Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 10.djvu/8

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mence et oubli pour le passé, ainsi que l’avait conseillé Jeanne Darc au royal couard, lorsqu’elle tentait en vain de l’entraîner aux portes de Paris, certaine qu’à sa vue les Parisiens, impatients de la domination étrangère et assurés de la clémence de Charles VII, le recevraient dans leurs murs. La reddition de Paris fut le signal de la complète expulsion des Anglais ; leurs terribles guerres civiles de la Rose blanche et de la Rose rouge, en divisant, épuisant leurs forces, permirent au connétable de reprendre toutes les provinces conquises par eux ; et enfin, en cette année 1450 (dit un chroniqueur de ce temps-ci), « furent réduits en l’obéissance du roi de France les duchés de Normandie et de Guyenne, et généralement tout le royaume, excepté les villes de Calais et de Guines, qui demeurèrent seules aux Anglais. »

Ainsi fut accomplie l’œuvre de délivrance entreprise par Jeanne Darc. Peu à peu, l’horreur qu’elle inspirait depuis sa condamnation pour crime d’hérésie et de sorcellerie s’effaça ; l’instinct des peuples leur disait enfin que la vaillante initiative de l’héroïne plébéienne avait sauvé la Gaule… Sa voix patriotique avait pu seule arracher les populations à leur funeste léthargie ; seule elle avait pu démoraliser les Anglais par ses victoires, succédant à tant de honteuses défaites. Bientôt, à cette pensée, que la libératrice du pays était morte sur un bûcher, l’opinion publique se révolta, un immense cri d’indignation retentit d’un bout à l’autre de la France, demandant la réhabilitation de la mémoire de la Pucelle et la flétrissure de ses bourreaux. Ce cri puissant émut Charles VII, malgré son insouciance et sa crasse ingratitude ; puis, ainsi que tant de débauchés, il devenait dévot en vieillissant, sans pour cela renoncer à la débauche ; car, à la mort d’Agnès Sorel, sa nièce, Antoinette de Villequier, l’avait remplacée dans le lit du roi. Celui-ci, d’ailleurs, ne se bornait point à ces seules amours ; mais tout en marchant de son mieux sur les traces du grand Salomon, le bon sire se disait, après tout, que la mémoire de Jeanne Darc demeurant entachée d’hérésie et de sorcellerie, il