le franc-taupin. — Et l’on ne vous appliquerait pas la loi du talion ! Moine, as-tu lu la Bible ?
le cordelier. — Ne blasphème pas… réprouvé !
le franc-taupin. — Moine, la Bible dit ceci : « Et en général, on rendra œil pour œil, dent pour dent, main pour main, pied pour pied, meurtrissure pour meurtrissure, plaie pour plaie, brûlure pour brûlure[1]. » — Voire ! faute de quoi te brûler comme il convient… je veux te faire cardinal.
le cordelier, livide. — Que veux-tu dire ?
le franc-taupin.— Il me plaît de remplacer ta tonsure par une calotte rouge.
Et l’aventurier, de la pointe de sa dague, décrit un cercle autour de son crâne ; le moine comprend la signification de ce geste effrayant, pousse un cri affreux… Les Vengeurs d’Israël le renversent et le maintiennent au pied des marches de l’autel ; le franc-taupin passe le doigt sur le tranchant de sa dague, s’accroupit auprès du patient ; celui-ci pousse des hurlements de terreur en voyant la lame effleurer son front… Mais à ce moment, un des cavaliers entre précipitamment dans la chapelle en criant : — Bonne prise ! bonne prise !… une fille d’honneur de Jésabel !
Les filles d’honneur composant l’escadron volant de Catherine de Médicis, de Jésabel, ainsi que l’appelaient les protestants, leur inspiraient une horreur profonde ; ces hommes, de qui les mœurs austères sont reconnues même de leurs ennemis, trouvaient doublement monstrueuse cette prostitution de la jeunesse et de la beauté à de ténébreuses ou sanglantes trames dont ces dangereuses sirènes étaient les instruments. Aussi, lorsque Anna-Bell entre dans la chapelle, conduite par ceux qui venaient de l’arrêter, son âge, sa grâce, sa charmante figure, son trouble mêlé de crainte, loin d’intéresser les
- ↑ Exode, l. I, ch. XXIV.