Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 11.djvu/118

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prince : — Monseigneur, vous n’ignorez pas, sans doute, que certaines personnes croient à la puissance des philtres amoureux…

— Cette folle croyance est, je le sais, malheureusement répandue…

« — Anna-Bell, m’a dit la reine, j’ai lu dans ton cœur… »

— Achevez…

— Hélas ! monseigneur, — reprit la fille d’honneur d’une voix navrante, — il s’agit ici pour moi de vous prouver que je ne suis pas une empoisonneuse… sans cela, je mourrais à vos pieds plutôt que de me résigner à vous avouer… mais il le faut… il le faut… — Et la jeune fille ajouta ces mots, qui semblaient brûler ses lèvres : « — Anna-Bell, m’a dit la reine, tu n’aimes plus M. de Solange… tu aimes secrètement le prince de Gerolstein depuis que tu l’as vu à la cour l’an passé… »

— Ah ! mademoiselle !…

« — Prends ce flacon ; il contient un philtre qui fait aimer… » a ajouté la reine, — poursuivit Anna-Bell d’une voix brève, haletante, et se sentant défaillir. « — Un guide te conduira aux avant-postes des huguenots, tu tomberas entre leurs mains, tu demanderas à être conduite auprès du prince de Gerolstein… Il est gentilhomme, il aura compassion de toi, il te logera sous sa tente… L’amour t’inspirera… tu trouveras le moyen de verser quelques gouttes de ce philtre à Frantz de Gerolstein… et ainsi… tu viendras à bout de ton prince… » a écrit la reine dans son billet…

— Et devinant que ce philtre était un poison, craignant d’éveiller les soupçons de la reine… vous avez feint d’accepter cette mission de mort ?…

— Oui, dans l’espoir de vous prévenir des dangers dont vous étiez menacé, monseigneur !… — murmura la fille d’honneur ; et, épuisée par tant d’émotions, écrasée de honte, de douleur, elle se laisse tomber sur un des bancs de la sacristie, fond en larmes et cache sa figure entre ses mains.