Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 11.djvu/119

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Cette révélation, empreinte d’une irrésistible franchise, éveille dans le cœur de Frantz de Gerolstein le plus touchant intérêt pour cette infortunée. — Mademoiselle, — lui dit-il, d’une voix pénétrante, — je crois à votre sincérité… je crois à vos malheurs…

— Maintenant, monseigneur, je peux mourir… je voudrais mourir…

— Loin de vous ces pensées sinistres… une consolation inespérée vous attend peut-être.

— Une consolation inespérée, monseigneur ?

— D’après certains détails que vous m’avez donnés sur vos premières années, je suis presque certain de connaître vos parents !…

— Grand Dieu !

— Vous devez être née à La Rochelle ?… votre père exerçait sans doute le métier d’armurier ?

— Oui ! — s’écrie Anna-Bell, — oui, je m’en souviens, l’aspect des armes frappait souvent mes yeux dans mon enfance… Mais comment savez-vous, monseigneur ?

— Lorsque vous avez été enlevée à votre famille, ne portiez-vous aucun collier, aucun bijou ?

— Je portais au cou, et j’ai toujours conservé depuis, une petite médaille de plomb ; son peu de valeur n’aura pas tenté la Bohémienne qui m’a enlevée.

— Cette médaille, vous l’avez sur vous ?

— La voici, attachée à cette chaîne.

Frantz de Gerolstein court à la porte de la sacristie et appelle Joséphin ; il entre lentement, occupé d’entailler de ses mains rouges de sang le bâton suspendu à sa cartouchière ; il dit avec un sourire farouche, après avoir fait cette nouvelle coche à ce morceau de bois, où il marque ainsi le nombre de ses victimes catholiques : — Dix-huit !… Voire ! encore sept pour atteindre vingt-cinq !… Oh ! j’aurai mon compte, mort-de-ma-sœur ! j’aurai mon compte !…

Frantz de Gerolstein, surmontant l’aversion que lui inspirent ces