Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 11.djvu/159

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À mesure que la clarté crépusculaire rendait au loin l’horizon plus distinct, l’on apercevait du point culminant du plateau où se déployait l’armée protestante, et environ à une demi-lieue de distance, le clocher de l’église de La Roche-la-Belle, bourg occupé par les royalistes, dont les retranchements se profilaient en noir sur l’aube blanchissant l’orient.

L’armée rangée en bataille, Coligny dit à Antonicq, l’un des volontaires servant d’aide de camp :

— Monsieur Lebrenn, allez donner l’ordre au colonel de Plouernel de se porter en avant avec son régiment et dix compagnies auxiliaires ; surtout qu’il effectue sa marche dans le plus profond silence, sans tambours ni clairons, afin de surprendre l’ennemi. Le colonel s’emparera de la chaussée de l’étang, fortement défendue ; lorsque ce poste sera enlevé, vous viendrez m’en avertir.

Antonicq part au galop et se dirige vers l’extrémité de l’aile droite, poste du colonel de Plouernel, frère puîné du comte Neroweg de Plouernel, chef de l’escorte de Catherine de Médicis lors de son arrivée au monastère de Saint-Séverin. Les discordes religieuses avaient jeté ces deux frères dans des camps opposés, funeste division, si fréquente en ces malheureux temps. Le colonel, durant le cours des guerres civiles, avait, ainsi que tant d’autres protestants, cherché un refuge à La Rochelle ; Odelin savait, grâce à la légende laissée par son père Christian, que celui-ci, lors de l’une des premières réunions des réformés dans les carrières de Montmartre, avait eu beaucoup à se louer de la courtoisie du chevalier de Plouernel (on l’appelait ainsi à cette époque). Un jour, à La Rochelle, Odelin vit entrer dans sa forge le chevalier, devenu colonel dans l’armée huguenote ; il venait acheter des armes, et remarquant sur l’enseigne de la boutique le nom de Lebrenn, il s’enquit de l’armurier s’il existait quelque