Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 11.djvu/194

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clair à reflets cuivrés, lissée en bandeaux et tordue en un épais chignon ; teint blanc et frais ; petit front ; sourcils peu prononcés, d’une nuance moins foncée que celle des cheveux et se dessinant presque droits au-dessus de ses grands yeux, d’un brun orangé, au regard vif et résolu ; son nez, droit, continuait presque la ligne du front, ainsi que cela se remarque dans les fières statues antiques ; ses lèvres charnues, d’un pourpre humide, son menton fermement accusé, donnaient à son visage un caractère de grandeur remarquable ; sa taille élevée, son cou nerveux, ses larges épaules, ses bras blancs et forts, les sobres contours de son sein, rappelaient les nobles proportions de la Minerve grecque. À cette mâle apparence se joignait chez Cornélie l’enjouement, le charme doux et timide de la jeune fille. Vêtue à la Rocheloise, comme sa cousine Thérèse, elle avait, afin d’être plus à l’aise, relevé à demi les manches de sa robe, et les muscles vigoureux de ses bras, d’une blancheur de marbre, se renflaient à chaque pression du fer chaud sur le linge qu’elle repassait ; mais de temps à autre ce fer restait un moment inactif, Cornélie redressait la tête afin de prêter une oreille plus attentive à la lecture qu’Antonicq faisait à la famille réunie et le contemplait, non pas avec une tendresse furtive, mais en cherchant au contraire son regard avec l’assurance sereine d’une fiancée. Le père de Cornélie, le capitaine Mirant, l’un des plus habiles et intrépides marins de La Rochelle, homme encore dans la vigueur de l’âge, s’occupait de crayonner le plan de quelques ouvrages de défense qu’il jugeait nécessaires à la sûreté du port. Près du capitaine était assis son compère, Jean Barbot le chaudronnier de l’île de Ré ; sa femme, marraine d’Anna-Bell, après avoir longtemps pleuré l’enlèvement de sa filleule, se le reprochant comme un impardonnable oubli de surveillance, était morte de chagrin. Jean Barbot, afin de ne pas rester oisif, fourbissait un corselet d’acier avec autant de soin qu’il eût fourbi l’un de ces beaux bassins de cuivre à ornements artistement repoussés, ou l’un de ces plats de fer étamés qui, exposés dans sa chaudronnerie, brillaient