Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 11.djvu/284

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cieusement à l’abri des rochers et de l’ombre qu’ils projetaient, espérant, grâce à ce guet-apens, massacrer grand nombre de ces femmes héroïques, dont les royalistes avaient si souvent éprouvé la vaillance, et s’emparer de plusieurs d’entre elles, qu’il destinait aux débauches du duc d’Anjou ; aussi, M. de Montbar, démasquant son embuscade après le premier feu, se précipita sur les Rocheloises à la tête de ses soldats, leur criant : — Maintenant, écharpez les vieilles ; mais faites prisonnières les plus jeunes et les plus jolies !… Sang-Dieu ! vous pouvez choisir ; il fait clair de lune !

Ce fut alors une scène horrible. Beaucoup de vieilles furent massacrées, ainsi que l’ordonnait le capitaine catholique ; d’autres, après avoir échappé aux arquebusades ou au carnage, incapables de lutter désarmées contre les soldats, tâchèrent de fuir vers la porte des Deux-Moulins ; d’autres, enfin, se défendirent avec l’énergie du désespoir contre les gardes qui voulaient s’emparer d’elles. Parmi celles-ci fut Cornélie, séparée de Thérèse Rennepont, qui, entraînée par le flot de ses compagnes et, comme elles, éperdue, s’efforça de regagner la ville. Le marquis de Montbar, amené d’aventure près de Cornélie, qui se débattait entre les mains des soldats, frappé de sa mâle beauté, s’écria : — Ménagez-la… prenez-la vivante, sang-Dieu ! Celle-ci est un morceau royal… je la réserve à monseigneur le duc d’Anjou !…

Cornélie, dont la blessure venait de se rouvrir durant la résistance qu’elle opposait aux royalistes, se sentit défaillir, épuisée par ses efforts et par la perte de son sang ; elle tomba évanouie aux pieds de M. de Montbar. Par son ordre, deux de ses gardes, la soulevant par les pieds et par les épaules, la transportèrent comme un cadavre. Plusieurs Rocheloises, aussi entraînées captives vers la redoute de Chef de Baie, à demi démantelée par le capitaine Mirant, furent victimes de la brutalité des capitaines et des soldats ; d’autres, enfin, en assez grand nombre, parvinrent à atteindre la porte des Deux-Moulins, alors qu’une compagnie de protestants, attirée par les arquebu-