Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 11.djvu/285

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sades, sortait de la ville, se dirigeant en hâte vers la plage… Mais, hélas ! il était trop tard ; déjà la marée, montant rapidement, submergeait, mortes ou mourantes, les victimes du luxurieux et meurtrier guet-apens des catholiques ; déjà les eaux, commençant de baigner le pied des rochers de la côte, interceptaient ainsi le passage aux Rochelois. Ils ne purent poursuivre l’ennemi, qui, entre autres prisonnières, emportait inanimée la fille du capitaine Mirant, presqu’à l’heure même où ce hardi marin entrait dans le port de La Rochelle, aux acclamations enthousiastes de ses habitants.


Le quartier-général de l’armée royale campait à la Font, bourg alors en ruine ; il devait son nom (la Font ou la Fontaine) à l’existence d’un grand nombre de sources d’eaux vives filtrant des coteaux voisins, et qui, réunies dans un immense réservoir, situé à l’extrémité de ce bourg, étaient, avant la guerre, conduites jusqu’au centre de La Rochelle par un aqueduc d’une demi-lieue de longueur. Mais au commencement des travaux de circonvallation des assiégeants, ceux-ci, s’emparant de la Font après un combat acharné, coupèrent et murèrent l’aqueduc pour se sauvegarder d’une surprise souterraine, et détournèrent les eaux, afin d’en priver les Rochelois, auxquels il resta d’ailleurs la ressource des puits et des fontaines de leur cité.

Le duc d’Anjou (frère de Charles IX, et qui plus tard régna sous le nom de Henri III, de gomorrhéenne mémoire), le duc d’Anjou occupait à la Font, au milieu du campement catholique, une maison appelée le Réservoir, parce que, dans un enclos de sa dépendance, se trouvait le réservoir d’où les eaux, s’écoulant ensuite par l’aqueduc, allaient autrefois alimenter les fontaines de La Rochelle. La demeure du prince, dévastée par la guerre, avait été réparée, mise en état de recevoir son royal hôte, grâce à l’habileté de ses valets de chambre-tapissiers, et au grand nombre de draperies, de tapis, de meubles portatifs dont on chargeait les mulets de bât suivant l’armée.