Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 11.djvu/32

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de rallumer la guerre civile à peine apaisée, répondit aux ambassadeurs d’une manière ambiguë et ne songea qu’à gagner du temps. Le hasard des guerres civiles m’a rapproché de Lanoüe, l’un des plus vaillants et des plus généreux chefs de l’armée protestante, ami et lieutenant de l’amiral ; il m’a permis de prendre connaissance de ses mémoires, écrits par lui-même durant les campagnes dont il prenait une part si glorieuse. Telles sont, selon Lanoüe (il était mieux à même que personne de se renseigner sûrement), telles sont les causes de la seconde insurrection des huguenots : « — L’édit d’Amboise, — dit Lanoüe, — avait causé en France un contentement universel ; toutefois, la haine et l’envie du côté des catholiques, la défiance du côté des réformés, ne furent pas amorties, mais demeurèrent cachées sans se montrer. Les principaux de la religion, qui ouvraient les yeux pour la conservation tant d’autrui que d’eux-mêmes, savaient et disaient qu’on les voulait miner peu à peu, et puis tout d’un coup leur donner le coup de la mort ; des causes qu’ils alléguaient, les unes étaient manifestes, les autres secrètes. Les premières consistaient dans le démantèlement des villes où les réformés dominaient, la construction de forteresses aux lieux où ils exerçaient leur culte ; enfin, les massacres qui, en plusieurs endroits, se commettaient de nouveau, et les assassinats de gentilshommes signalés comme chefs de protestants, cruautés dont on n’avait pu obtenir justice ; les catholiques répétaient que bientôt ceux de la religion réformée ne lèveraient pas la tête si haut ; enfin, on remarquait de nombreux enrôlements de Suisses dans l’armée royale. Quant aux causes secrètes, on parlait de lettres interceptées, venant de Rome et d’Espagne, où les desseins des catholiques se découvraient en plein : la résolution prise à Bayonne (dans une entrevue de Catherine de Médicis et du duc d’Albe, sanguinaire ministre du sanguinaire Philippe II) d’exterminer les Huguenots de France et les gueux de Flandre. Toutes ces choses, et d’autres dont je me tais, réveillaient fort ceux qui n’avaient point envie qu’on les prît endormis ; il y