Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 11.djvu/33

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eut plusieurs assemblées des chefs réformés, afin de chercher des expédients légitimes et honnêtes avant de recourir aux dernières extrémités pour défendre leur vie et leur foi. Néanmoins, plus par le conseil de M. l’amiral de Coligny que de tout autre, chacun fut prié d’avoir encore patience ; en affaires si graves et qui, disait l’amiral, amenaient tant de maux, on devait plutôt céder à la nécessité que de courir au devant des événements par la promptitude de la volonté. — Mais bientôt l’on sut par M. le prince de Condé et M. de Coligny qu’ils tenaient d’un personnage de la cour très-affectionné à ceux de la religion réformée, qu’il avait été tenu chez la reine un conseil secret où délibération avait été faite de se saisir des deux chefs de la réforme, de tuer l’un (Coligny), de garder l’autre prisonnier (le prince de Condé), de révoquer l’édit d’Amboise et de défendre de nouveau l’exercice du culte réformé ; les plus sensitifs et impatients des protestants tinrent ce langage :

» — Veut-on attendre que l’on nous vienne lier les pieds et les mains ? Avons-nous mis en oubli que plus de trois mille personnes de notre religion sont péries de mort violente depuis la paix d’Amboise, sans que nous ayons jamais pu obtenir justice ? Nos pères ont eu patience plus de quarante ans, pendant lesquels on leur a fait éprouver mille supplices pour la confession du nom de Jésus-Christ, laquelle cause nous maintenons aussi. Prenons donc une bonne et prompte résolution ; en nous perdant, nous perdrions une multitude de gens[1]. »

Lanoüe ne dit que trop vrai : malgré l’édit d’Amboise, les catholiques, soulevés par le clergé, recommençaient de massacrer les protestants dans les villes où ceux-ci se trouvaient inférieurs en nombre ; ces meurtres, demeurés impunis et prêchés publiquement par les moines, poussèrent les réformés à recourir une seconde fois aux armes pour défendre leur vie. Les chefs convinrent d’enlever la reine et le

  1. Mémoires de Lanoüe, p. 610.