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volonté de le détruire lorsque l’occasion serait favorable[1]. » Le chancelier de L’Hôpital, perdant alors tout espoir de conjurer une dernière guerre civile, abandonna pour jamais cette cour sanguinaire. Son testament a été rendu public ; voici dans quel noble et douloureux langage il s’exprime sur les événements :

«… Je fis place aux armes… et me retirai aux champs avec ma femme, ma famille et mes petits-enfants, priant à mon départ le roi et la reine de cette seule chose : que, puisqu’ils avaient arrêté de rompre la paix et de poursuivre par la guerre ceux avec lesquels peu de temps auparavant ils avaient accordé la paix, et que j’étais contraire à cette entreprise, je les priai, dis-je, s’ils n’acquiesçaient à mon conseil, qu’au moins, après avoir soulé et rassasié leur cœur et leur soif du sang de leurs sujets, ils embrassassent la première occasion de paix qui s’offrirait… Ayant fait cette remontrance en vain, je m’en allai avec une grandissime tristesse[2]. »

Le nouvel arrêt rendu au nom du jeune roi Charles IX éclairait le passé, le présent et l’avenir d’une lumière sinistre : les huguenots devaient abjurer, mourir ou combattre. La campagne s’ouvrit au mois de décembre 1568 ; les armées escarmouchèrent sans action décisive, et bientôt leurs opérations furent complètement suspendues par les rigueurs de l’un des hivers les plus rudes qu’on ait jamais vus. La fin de l’année 1568 et les deux premiers mois de 1569 se passèrent dans l’inaction ; catholiques et protestants profitèrent de cette suspension d’armes obligée pour recruter des auxiliaires. Le roi Charles IX fit appel aux Espagnols, aux Italiens et aux Suisses ; Coligny et Condé réclamèrent l’assistance des princes protestants d’Allemagne ; l’un d’eux, le duc des Deux-Ponts, se mit et marche pour la France à la tête d’un corps de troupes considérable ; mais avant sa jonction avec l’amiral de Coligny et Condé, ceux-ci, à la fin de l’hiver livrèrent une bataille rangée aux catholiques, le 15 mars 1569, à

  1. Arrêts et ordonn. royales, reg. I, f° 175.
  2. Testament du chancelier de L’Hôpital. Ap. Brantôme, p. 217.