Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 11.djvu/39

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Jarnac, sur les bords de la Charente, non loin de Cognac. De fausses manœuvres, dues à l’inexpérience et au manque de discipline inévitables chez des soldats volontaires, déjouèrent les plans de Coligny ; séparé du gros de son armée, il soutint, à la tête de son avant-garde, le choc de toutes les forces royalistes, commandées par le duc d’Anjou, frère de Charles IX, sous la surveillance du maréchal de Tavannes, le général effectif. Les huguenots, malgré l’infériorité de leur nombre, firent des prodiges de valeur ; le prince de Condé, au moment de l’attaque, eut la jambe cassée d’un coup de pied de cheval ; malgré la souffrance de cette dangereuse blessure, il chargea intrépidement à la tête de ses cavaliers ; frappé d’une balle d’artillerie, son cheval expira sous lui. Ainsi engagé, entouré d’ennemis, il se rendit prisonnier et remit son gantelet à un gentilhomme catholique, nommé d’Argence, lui demandant la vie sauve ; elle lui fut accordée, selon les lois de la guerre ; mais le prince, voyant en ce moment accourir vers lui Montesquiou, capitaine des gardes suisses du duc d’Anjou, s’écria : « — D’Argence, je suis perdu ! cet homme-là va m’assassiner par l’ordre de son maître ! » — En effet, Montesquiou, par ordre du duc d’Anjou, tua, d’un coup de pistolet, le prince de Condé, prisonnier sur parole… Le désastre de Jarnac, loin de consterner les huguenots, redoubla leur audace ; Coligny, calme et habile tacticien, plein d’activité, de ressources, grandissait avec le danger ; il savait profiter même de la perte d’une bataille, et faisant plus tard allusion aux défaites subies par les protestants durant cette campagne, dont ils sortirent à la fin triomphants, il disait : « — Si nous n’avions été vaincus, nous ne serions peut-être pas vainqueurs. » — Et de fait, les troupes protestantes se formèrent à l’âpre école des revers. L’amiral, après la funeste journée de Jarnac, rallia ses troupes, opéra sa retraite en bon ordre, et se retira dans Cognac, en vain attaqué par l’armée royale, obligée de lever le siège faute d’artillerie ; enfin, à la suite de plusieurs mouvements stratégiques pendant lesquels les catholiques n’osèrent prendre l’offensive, et après quelques engage-