Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 11.djvu/42

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mariage ; payé pour l’enterrement ; toujours payé, payé sans fin ni cesse, de sorte que presque tout son pécule, employé en œuvres pies, passait de sa poche dans celle des bons pères. Or, lorsque Jacques Bonhomme entendit les pasteurs de l’Église nouvelle lui dire : « — Pauvre ignorant, pauvre abusé ! ces offrandes aux saints, ces messes, ces purgatoires, sont autant d’idolâtries, de mensonges, de fourberies, de vols, inventions sacrilèges des moines à l’aide desquelles ils s’approprient l’argent déposé par toi sur l’autel ou aux pieds de ces images de bois ou de pierre dont l’adoration est réprouvée de Dieu. Si tu ne me crois pas, lis le saint livre… Dieu défend ce trafic impie dont s’engraissent des milliers de fainéants qui rient sous leur froc de ta crédulité en leurs piperies ! » — à cette foudroyante révélation, appuyée des textes sacrés de l’Écriture sainte, Jacques Bonhomme, dans son rustique bon sens, se dit : — Voire ! je suis, de père en fils, outrageusement trompé, dupé, larronné, depuis des siècles, par l’Église de Rome ! Et à demi sauvage que le laissaient à dessein les prêtres, afin d’exploiter sa crasse ignorance, Jacques Bonhomme s’est vengé en sauvage : il s’est rué avec fureur sur les couvents, sur les églises ; il a renversé, brisé, profané ces autels, ces reliques, ces statues de saints et de saintes si longtemps l’objet de sa vénération et surtout de ses offrandes. Aussi, dans un grand nombre de provinces de la Gaule, ce fut une Jacquerie contre les moines et les couvents, de même qu’il y a deux siècles ce fut une Jacquerie contre les seigneurs et les châteaux.

Dans les provinces, au contraire, où la voix de la réforme ne put se faire entendre, et où les peuples, fanatisés, ne la connurent que par les prédications forcenées du clergé dépeignant aux populations les hérétiques sous les couleurs les plus noires, les plus endiablées, Jacques Bonhomme se rua sur les maisons, sur les châteaux des huguenots, mit ces demeures à feu et à sang, viola les femmes, égorgea les vieillards et les enfants, afin d’exterminer jusqu’au dernier rejeton de cette race ensabbatée. Ne voulaient-ils pas, ces mécréants, disaient