Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 11.djvu/47

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capables de tout. Vos troupes sont-elles suffisantes, monsieur, pour mettre ce monastère à l’abri d’un coup de main ?

— Monsieur le cardinal, je réponds sur ma vie de la sûreté de la reine. Les partisans huguenots ne sont pas à craindre ; l’armée de Sa Majesté nous couvre : campée entre les rebelles et nous, elle est commandée par un homme de guerre consommé, M. le maréchal de Tavannes. Il est instruit de la prochaine arrivée de la reine près de lui ; il a certainement fait éclairer et surveiller la route que suit Sa Majesté. Il eût été préférable, et je l’ai déjà fait observer à Votre Éminence, de pousser droit jusqu’à l’armée de M. de Tavannes au lieu de passer la nuit dans cette abbaye… mais…

— Croyez-vous donc, monsieur, que la reine et moi, puissions voyager sans débrider, comme des gendarmes ?

— Monsieur le cardinal, — reprit le comte Neroweg de Plouernel avec hauteur, — il n’appartient à personne de me rappeler le respect que je dois à Sa Majesté… à ce respect, je n’ai jamais failli.

— Monsieur ! — dit vivement le cardinal, bouillonnant dans sa superbe, — vous parlez à un prince de la maison de Lorraine… ne l’oubliez pas…

— Monsieur le cardinal, si vous savez l’histoire de votre maison… je sais l’histoire de la mienne…

— Qu’est-ce à dire, monsieur ?

— La maison de Pépin de Héristal, l’aïeul de Charlemagne, dont vous prétendez descendre, sortait de l’ombre alors que la maison de Neroweg, illustre en Germanie bien avant la conquête franque, était depuis deux siècles établie en Gaule dans ses domaines saliques de l’Auvergne, qu’elle tenait de l’épée d’un de nos ancêtres, leude de Clovis…

— Monsieur, — répliqua le prélat avec un sourire venimeux, — l’antiquité de leur origine ne sauvegarde malheureusement pas de la félonie certaines maisons… la vôtre est de ce nombre…

— Monsieur le cardinal, cet outrage !…