Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 11.djvu/67

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— La santé de mon fils est-elle bonne ? — demanda la reine en prenant la missive. — Quoi de nouveau à l’armée ?

— Monseigneur se porte à merveille, madame ; et il y eut, hier, un engagement d’avant-garde entre nous et les huguenots, l’affaire a été de peu d’importance.

Catherine décachette la lettre, et à mesure qu’elle la lit, ses traits expriment tour à tour l’étonnement et une joie sinistre. — Ce Guisard accusait pourtant mon fils de négocier avec l’amiral ! — s’écrie la reine, ne pouvant maîtriser sa profonde satisfaction ; et s’adressant au comte de La Rivière : — Mon fils m’informe de votre dessein, monsieur… Bien ! bien !… c’est servir Dieu, le roi et la France !…

— Madame, je suis de mon mieux l’exemple de Montesquiou… il a su débarrasser le roi de M. de Condé…

— Vous primerez Montesquiou, si la chose réussit, monsieur !… Ah ! j’aurais donné dix Condé pour un Coligny !… Notre sainte religion et l’État n’ont pas de plus dangereux ennemi que l’amiral… Mais l’homme… êtes-vous sûr de lui ?

— Oui, madame, autant que l’on peut avoir de certitude en pareille occurrence. Il s’est jeté aux genoux de monseigneur le duc d’Anjou, et a juré sur son âme qu’il ne faillirait pas devant l’action ; il a reçu un acompte de six mille livres sur les cinquante mille promises… il a fallu hasarder cette somme.

— Pourvu qu’il n’ait pas quelque méchant retour de conscience… Et comment l’avez-vous connu, cet homme ?

— Hier, ainsi que j’ai eu l’honneur de le dire à Votre Majesté, il y eut une escarmouche à nos avant-postes ; M. l’amiral de Coligny chargeait en personne, et Dominique (c’est l’homme en question) menait en main l’un des chevaux de relais de son maître…

— Il était donc au service de M. de Coligny ?

— Oui, madame ; depuis son enfance, il appartient à la maison de l’amiral. Il s’est trouvé séparé de lui pendant l’engagement ; deux de mes gendarmes allaient dépêcher ce Dominique, comme on dé-