Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 11.djvu/80

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— Non, non, — reprend Catherine de Médicis avec des minauderies d’hyène, — je favorise les huguenots !

— Madame…

— Je chéris les huguenots !

— Ah ! madame… croyez que…

— Je traîne à dessein la guerre en longueur !

— Madame, de grâce… permettez moi de…

— Point, point ! Je voudrais, par amour tendre pour les huguenots, voir les Guisards détrôner mon fils…

— Madame, vous êtes sans pitié…

— Oh ! certes, les Guisards, le saint-père et Philippe II agiraient mieux que moi !… La campagne est à peine ouverte, et déjà c’est fait de Condé, l’âme du parti protestant français ; c’est fait du duc des Deux-Ponts, l’âme du parti allemand ; c’est fait de Dandelot, l’un des meilleurs généraux protestants !… Et ce n’est pas tout ! — ajoute l’Italienne en prenant sur la table la lettre du duc d’Anjou, apportée par son capitaine des gardes, et la donnant au père Lefèvre : — lisez ceci…

Le jésuite prend la lettre, lit, tressaille d’une joie sinistre et s’écrie en regardant la reine : — Quoi, madame… on peut aussi espérer que demain Coligny ?…

— Ira rejoindre son frère Dandelot… Ils s’aimaient tant !... Eh bien ! mon révérend, est-ce assez ?

— Ah ! madame… vous nous comblez… je…

— Autre chose encore… et à ce sujet… j’oubliais… — Puis la reine, s’interrompant, frappe deux coups sur un timbre placé près d’elle ; un page paraît. — Apporte-moi — lui dit la reine, — une cassette d’ébène placée dans ma chambre sur une table près de mon lit. — Le page sort, et Catherine de Médicis s’adressant au jésuite : — Connaissez-vous de nom le prince Frantz de Gerolstein ?

— Que trop ! madame ; la principauté de cette famille hérétique de père en fils est un foyer permanent de pestilence…