Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 11.djvu/84

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ses engagements, parce qu’il possédait parfaitement l’art de gouverner[1]. » Or… mon révérend, si je ne vaux mieux qu’Alexandre VI, incestueux, meurtrier, sacrilége… je ne vaux pas pis que ce pontife… L’on croyait à ses serments… pourquoi ne croirait-on pas aux miens ? Est-ce que, malgré la révocation de l’édit d’Amboise, le parti huguenot ne s’est point encore laissé prendre au nouveau leurre de l’édit de Longjumeau, confirmé par notre parole royale ? Mais, tenez… voulez-vous savoir toute ma pensée, mon révérend ?

— Je le désire vivement, madame.

— Donnez-moi cette cassette… non pas celle que le page vient d’apporter… mais l’autre…

Le jésuite remet le coffret à la reine ; elle l’ouvre au moyen d’une petite clef suspendue à sa cordelière enrichie de pierreries, cherche parmi plusieurs papiers, en remet un au père Lefèvre, et lui dit : — Lisez d’abord ceci, mon révérend…

Le père Lefèvre lit ce qui suit :

— « Sommaire des choses premièrement accordées entre le duc de Montmorency, connétable, le duc de Guise, grand maître, pairs de France, et le maréchal de Saint-André, pour la conspiration du triumvirat, et depuis mises en délibération à l’entrée du sacré et saint concile de Trente, et arrêtées entre les parties en leur privé conseil, fait contre les hérétiques et le roi de Navarre, en tant qu’il gouverne mal les affaires de Charles IX, roi de France mineur, lequel roi de Navarre est partisan de la nouvelle secte qui pullule en France. »

— Comment Votre Majesté est-elle en possession de ce pacte conservé, disait-on, si secret par le triumvirat ? — demande le jésuite très-surpris et fort intéressé. — J’avais vaguement entendu parler de cette pièce de la plus haute importance ; mais, pour la première fois… j’en prends une connaissance exacte…


  1. Machiavel, Du Prince, p. 57.