Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 12.djvu/135

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tées par M. de Tilly au sujet de l’exaspération du peuple de La Haye contre le roi Louis XIV et les Français, restaient en proie à de vives appréhensions, tandis que M. Serdan se rendait chez Jean de Witt, grand pensionnaire de Hollande.


MM. Corneille et Jean de Witt étaient fils de Jacob de Witt, citoyen renommé par son patriotisme, par ses lumières, et autrefois l’un des chefs les plus considérables du parti de Lowenstein. Ce parti, représentant la tradition républicaine, radicalement opposée à l’envahissement de l’esprit militaire, tendait surtout à favoriser le développement de la prépondérance maritime, dont devait jouir la confédération des Provinces-Unies, en raison de leur position géographique et du génie commerçant de ses habitants ; aussi, le parti de Lowenstein combattait et dominait depuis un demi-siècle l’influence des Orangistes, partisans du gouvernement militaire et héréditaire des princes d’Orange, fondé par leur ancêtre, Guillaume le Taciturne, élu chef de la république lors de la révolte des Provinces-Unies contre Philippe II. Le stathoudérat héréditaire, joint aux fonctions de capitaine général des armées de terre et de mer, devenait, en effet, une sorte de royauté, mitigée, mais toujours redoutable à la liberté des peuples ; aussi, le parti de Lowenstein, fort de sa majorité dans l’assemblée des États de la confédération, avait-il fait décréter que les princes de la maison d’Orange ne pourraient commander les armées de terre et de mer, s’ils étaient nommés stathouder (agent exécutif du gouvernement de la république), et que ces fonctions ne seraient jamais héréditaires Corneille et Jean de Witt, élevés dans les principes de leur père, s’opposèrent comme lui à la faction orangiste, et grâce à leurs études, à leurs travaux, à leurs instructifs voyages dans les principales contrées de l’Europe, devinrent des citoyens aussi éminents par leurs lumières que par leur patriotisme Corneille de Witt, l’aîné des deux frères, né à Dordrecht en 1623, fut élu, à l’âge