Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 12.djvu/24

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nouvelle apostasie du Béarnais. Grâce à cette apostasie, à ce saut périlleux, comme il disait, il entra dans Paris, dont il acheta d’ailleurs chèrement les clefs au comte de Cossé-Brissac, gouverneur au nom de la Ligue, et fut par lui introduit dans la ville. La Ligue avait commis tant d’excès, les Parisiens avaient tant souffert de la famine et de la guerre, enfin, par un revirement soudain de l’esprit public, Rome et l’Espagne inspiraient alors tant d’aversion, que Henri IV fut accueilli dans Paris avec joie. Le légat du pape et l’ambassadeur de Philippe II sortirent de Paris par capitulation. La reddition de la capitale entraîna la soumission de presque toutes les villes qui tenaient encore pour la Ligue, soumission que le Béarnais dut payer à des prix énormes, ainsi que celle du duc de Guise, fils du Balafré, du duc d’Aumale et autres chefs ligueurs. La compagnie de Jésus, le pape et Philippe II, voyant la ruine de leurs projets sur la France, espérèrent que l’assassinat de Henri IV, de qui le pouvoir contenait tant de factions diverses, pourrait replonger le pays dans un chaos de désastres profitables au Saint-Père, au roi très-catholique Philippe II et aux fils de Loyola ; d’où il suit que ces bons pères armèrent benoîtement le bras d’un nouveau Jacques Clément. Le 27 novembre, Henri IV, arrivant d’Amiens, entrait dans la chambre de Gabrielle d’Estrées ; un jeune homme de dix-huit ans, qui s’était glissé parmi les gens de la suite du roi, tenta de le poignarder, mais le blessa seulement à la lèvre. L’assassin, arrêté, confessa sur-le-champ se nommer Jean Châtel et être élève des Jésuites de la rue Saint-Jacques. Il avait espéré obtenir le paradis en tuant le roi afin de rendre service à l’Église ; cette pensée, ajoutait-il, lui était venue en entendant les révérends pères, ses professeurs, établir la légitimité de ce meurtre. L’élève de la compagnie de Jésus fut tiré à quatre chevaux, et ses doux maîtres, par arrêt du 29 décembre, furent invités à déguerpir de France, dans un délai de quinze jours, comme corrupteurs de la jeunesse, perturbateurs du repos public, etc., etc.