Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 12.djvu/248

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exorbitantes et qu’ils ne les payeront point. Enfin, les plus forcenés, enhardis par l’impunité, ne craignent pas de crier partout que la fourche d’un Breton ne craint pas la baïonnette d’un soldat du roi ; que si ceux-ci sont mieux armés, les paysans sont plus nombreux, et que la furie de leur désespoir égalisera les chances quand sonnera l’heure de la révolte !

— La révolte ! — reprit la marquise alarmée. — Ces croquants oseraient parler ouvertement de révolte !

— Nous retombons en pleine Jacquerie ! — ajoute l’abbé levant les mains au ciel ; — des Jacques sous Louis XIV !… sous le grand roi… au dix-septième siècle… est-ce possible !

— De prompts et terribles châtiments maintiendront, je l’espère encore, mon cher abbé, ces manants dans le devoir, — répondit le comte ; — mais ma sœur a déplorablement encouragé ces misérables ! sa folle générosité a justement choisi pour objet les plus mauvaises gens de mes domaines. Ce braconnier et ce vassal récalcitrants aux redevances appartiennent à une certaine famille Lebrenn… qui compte parmi ses membres deux marins du port de Vannes, drôles très-actifs, très-remuants, fort soupçonnés de pousser plus que personne à la sédition et d’avoir même de secrètes intelligences avec les républicains de Hollande !

— Marquise, — reprit l’abbé en jetant un regard significatif à madame du Tremblay, — que vous disais-je de cette famille, que notre vénérable compagnie de Jésus a depuis près d’un siècle et demi notée dans son registre secret comme étant des plus dangereuses ?

— De quoi s’agit-il ? — demanda le comte de Plouernel, — quels renseignements avez-vous donc pu avoir sur ces espèces-là ?

— Nous reparlerons de ceci plus à loisir, mon cher Raoul, car les détails à ce sujet nous mèneraient trop loin ; tenez seulement pour assuré que vous ne pouvez avoir parmi vos vassaux une famille plus abominablement pernicieuse que celle de ces Lebrenn ! nous aviserons, et je pourrai vous venir en aide à leur endroit ; mais, selon