Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 12.djvu/292

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— Nous avons juré à Salaün Lebrenn de suivre ses avis, de mettre le bon droit de notre côté avant d’en venir aux coups et de présenter le code paysan à l’acceptation du seigneur comte. Il a déjà peut-être fait pendre Salaün ; mais, mort ou vivant, il a notre parole, nous la tiendrons ! Dis à nos hommes de s’arrêter dans l’avenue et d’attendre… Nous entrerons, nous autres, sans armes au château.

L’ordre donné est exécuté : l’avant-garde et la grosse troupe de vassaux restent dans les ténèbres de l’avenue ombreuse ; Tankerù et ses cinq compagnons s’avancent vers la grille qui ferme la cour d’honneur et s’élève entre deux élégants pavillons servant de logis au concierge. Au loin, l’on voit le vestibule et toutes les fenêtres du rez-de-chaussée du château brillamment éclairés. Tankerù s’approche de la grille et appelle :

— Hé ! concierge ! concierge !…

Le concierge, vêtu d’une riche livrée, sort de l’un des pavillons et s’approchant :

— Qui va là ? que voulez-vous ?

— Nous voulons parler à ton maître… et sur l’heure…

— Toi, drôle ? — répond le concierge avec l’insolence d’un laquais de grand seigneur, en avisant à travers la grille le forgeron et ses compagnons, tous plus pauvrement vêtus que lui. — Passez votre chemin, va-nu-pieds !… sinon, je prends ma canne, je sors, et gare à vos échines !…

— Si tu n’ouvres pas la porte, je la force ! — crie Tankerù au concierge, qui regagnait son pavillon en grommelant ; mais aux dernières paroles du forgeron, il se retourne et dit :

— Comment, canailles ! vous osez !…

Tankerù ne répond rien, prend son marteau à deux mains, le soulève, et d’un coup fait sauter la serrure de la grille ; elle s’ouvre. Le concierge, effrayé, prend sa course vers le perron du château en criant : — À l’aide ! — Les six vassaux entrent dans la cour d’honneur, la traversent en hâtant le pas… Soudain Tankerù s’arrête… Il