Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 12.djvu/307

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partie, avec sa nourrice et un écuyer, pour Mezléan. La marquise, frappée de terreur, est morte d’apoplexie.

Tankerù, Serdan, Salaün Lebrenn et son fils ont gravi l’escalier souterrain de la fauconnerie, dont le bâtiment a pris feu ainsi que les écuries et autres vastes dépendances de cette habitation princière. Leurs toits s’effondrent avec fracas, au milieu des murailles à demi écroulées dans la fournaise, et font jaillir au ciel d’immenses gerbes d’étincelles. Le château, ne renfermant pas ces amas de combustibles de toute sorte dont étaient remplis les communs, a résisté aux progrès de l’incendie ; quelques jets de flammes expirantes au milieu de nuages de fumée sortent encore des fenêtres du rez-de-chaussée, dont les vitres ont volé en éclats et dont les châssis ont brûlé ; mais le feu a épargné les étages supérieurs, où les vassaux poursuivent avec acharnement leur œuvre de dévastation, lançant par les fenêtres les meubles, les glaces, les lustres, les livres, les tableaux. Ces débris innombrables sont amoncelés au milieu de la cour d’honneur par d’autres vassaux, qui, poussant des clameurs de triomphe, font de cet amas de choses sans nom un immense feu de joie ; il flambe non loin des trois potences dressées pendant la nuit pour Salaün, son fils et Serdan, à la place desquels les vassaux ont pendu les cadavres du comte de Plouernel, de l’abbé Boujaron et du sergent La Montagne : terribles représailles de ces malheureux, fous de rage, contre les objets de leur haine, de leur vengeance, de leur malédiction ! le seigneur, le prêtre et le soldat du roi… La flamme de l’immense feu de joie monte en tournoyant dans les airs et joint sa clarté à celles de l’incendie, dont les reflets vont empourprer au loin le noir donjon féodal, jadis témoin de ces autres terribles représailles de la grande Jacquerie !

Salaün Lebrenn, instruit de la mort de son frère Gildas, massacré avec les autres délégués des vassaux, a retrouvé son cadavre et l’a déposé dans une fosse creusée par lui avec l’aide de Tankerù, de Serdan et de Nominoë. Ce funèbre devoir accompli, il leur dit avec