Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 13.djvu/105

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— … Est à cette heure prince souverain de Gerolstein… Vous le voyez, Victoria… notre parenté n’est pas douteuse, et ses liens avaient été déjà resserrés par nos pères au seizième siècle, lors des guerres religieuses, où tous deux servaient sous l’amiral de Coligny.

— Et ce fut par amour du prince Karl de Gerolstein… qu’Anna Bell chercha et trouva la mort dans une bataille, — reprend Victoria pensive ; et après quelques moments de réflexion : — Ainsi, Frantz, vous êtes de race souveraine… quasi royale…

— Quasi royale… en cela que notre maison a contracté des alliances royales… — Et le prince ajoute avec un sourire sardonique : — Et voilà comment finissent les descendants des pirates ! témoin ce vieux Rolf, chef de mon aïeul Gaëlo, ce vieux Rolf qui, par son mariage avec la fille de Charles le Simple, devint duc souverain de Normandie… après avoir durant des années ravagé les rives de la Seine depuis Rouen jusqu’à Paris… Ô noble origine des races royales !

Victoria, ayant écouté d’une oreille distraite les dernières paroles du prince, reprend :

— Si étrange que soit ce que vous m’apprenez, Frantz, je vous crois… je dois vous croire, et cependant il me semble impossible ou plutôt inexplicable…

— Achevez… de grâce…

Victoria se recueille un instant, puis :

— Frantz, il y a trois mois, vous m’avez retirée de prison ; la honte, la douleur, le mépris de moi-même, m’empêchaient de retourner auprès de ma mère et de mon frère ; je me trouvais sans ressources. Je voulais gagner ma vie en reprenant le métier de couturière que ma mère m’avait fait apprendre lors de mon séjour auprès d’elle… Vous vous êtes opposé à cette résolution ?

— En effet, après vous avoir suffisamment entendue, observée pour vous connaître, vous apprécier ; après avoir surtout été instruit par vous des événements de votre vie depuis l’âge de douze ans et