— Tantôt, après le salut… — répond le petit Rodin en se signant dévotement, — M. l’abbé, mon doux parrain, m’a emmené promener avec lui à la place Royale… Il y avait là beaucoup de monde rassemblé autour de plusieurs bateleurs… J’ai péché ! — ajoute le garçonnet en se frappant la poitrine avec contrition, — le Seigneur Dieu m’a puni… C’est ma faute… ma faute… ma très-grande faute !…
— Et quelle si grande faute avez-vous donc commise ? — reprend Bethsabée jetant à son mari un coup d’œil d’intelligence où se lisait la commisération que lui inspirait la précoce aberration de l’esprit de cet enfant. — De quoi le bon Dieu vous a-t-il donc puni ?
— Les bateleurs sont des réprouvés dignes du feu éternel, — répond le petit Rodin en pinçant ses lèvres blafardes d’un air méchant et se frappant de nouveau la poitrine. — J’ai péché… vilainement péché… en regardant les jeux de ces réprouvés. Le Seigneur Dieu m’a puni en me séparant de mon doux parrain… un mouvement de la foule m’a éloigné de lui. J’ai eu beau le chercher… beau l’appeler… impossible de le retrouver.
— Comment êtes-vous venu de la place Royale jusqu’ici ?
— Après avoir fait plusieurs fois mon oraison mentale et jaculatoire afin d’invoquer l’assistance de la miséricorde divine, — répond le petit Rodin d’un ton emphatique et béat, — je me suis mis en route afin de m’en retourner chez nous, bien loin… bien loin… tout au haut du faubourg du Roule, près de la Folie-Beaujon…
— Pauvre petit ! — reprend Bethsabée. — Plus d’une lieue à parcourir…
— C’est un long trajet, sans doute, mais il n’y avait du moins qu’à suivre la direction des boulevards, — ajoute Samuel. — Comment vous êtes-vous égaré de ce côté ?
— Un digne monsieur, à qui j’ai demandé mon chemin, m’a répondu que j’arriverais beaucoup plus tôt chez nous en passant par les rues… j’ai marché pendant toute la soirée… mais je me suis