Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 13.djvu/14

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gleterre, le Danemark, la Hollande, profitèrent surtout de cette incessante émigration.

Le grand roi s’émeut de voir les forces vives de son royaume ainsi passer à l’étranger. Il rend un arrêt défendant aux réformés, sous peine de galères perpétuelles, de quitter la France.

Forcer ses sujets de subir des persécutions atroces et leur défendre d’y échapper par un exil volontaire… dites, fils de Joël… la tyrannie a-t-elle jamais atteint ce degré d’effroyable audace ? Ce n’est pas tout, le grand roi, toujours besogneux, songe aussi à remplir son coffre, et un autre édit déclare les « ventes faites par les huguenots émigrants nulles, et ces biens confisqués au profit de Sa Majesté. »

Les réformés, exaspérés, se décident à reprendre les armes et, comme au seizième siècle, à repousser la force par la force, à défendre leur vie, leurs biens, leur foi, leur famille. La guerre civile et religieuse déchaîne de nouveau ses fureurs sur la France. Une vaste insurrection protestante s’organise dans le Languedoc, le Dauphiné, le Vivarais et les Cévennes. Les révoltés déclarent qu’ils exerceront leur culte, malgré les arrêts royaux, et qu’ils assisteront, en armes, à leur prêche. Fanatisés par leurs prêtres et sûrs de l’appui de Louis XIV, les catholiques donnent le signal de la guerre civile en massacrant les protestants réunis dans la forêt de Sâoo en Dauphiné pour y entendre la parole de leur ministre. En apprenant cette nouvelle boucherie de Vassy, les huguenots des Cévennes et du Vivarais se soulèvent en masse ; ce premier mouvement est comprimé par d’impitoyables exécutions militaires. Le seul ministre qui eût pris quelque peu le parti des protestants dont il appréciait les lumières et les habitudes laborieuses, Colbert, meurt à la peine après avoir puissamment développé la marine, le commerce, l’industrie en France, réglé les finances autant que le permettaient le despotisme et le faste effréné de Louis XIV ; mais profondément blessé de l’ingratitude et des duretés de ce prince, le grand ministre ressentit un chagrin mortel, et dit à ses amis quelques moments avant d’expirer : — « Je ne