Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 13.djvu/154

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— Qu’elle est belle… qu’elle est belle !… Ah ! je conçois que le comte soit affolé d’elle… Le danger est plus grand que je ne le soupçonnais… Il y a je ne sais quoi de diabolique dans la beauté de cette femme !

Le jésuite, observateur très-pénétrant, était le seul des convives de M. de Plouernel qui fût frappé du véritable caractère de la beauté de Victoria. En effet, sa pâleur, son œil noir ardent, son regard profond, son sourire involontairement amer et sardonique, donnaient à ses traits quelque chose de sombre concordant avec la sévérité de sa parure rouge, noire et or.

Le maître d’hôtel de M. de Plouernel vient bientôt annoncer à son maître que le souper est servi. Le comte offre son bras à Victoria. Il la conduit dans une vaste salle à manger aux murailles enduites de stuc blanc rehaussé de moulures dorées encadrant de grands panneaux peints d’oiseaux, de fruits, de fleurs ; une splendide argenterie ciselée par Germain couvre la table servie en porcelaine de Sèvres aux couleurs éclatantes ; la lueur des bougies roses, que supportent des candélabres de vermeil, fait étinceler le bruni des nombreuses pièces d’argenterie. Les convives prennent place autour de la table, après que le comte a fait asseoir Victoria près de lui, et bientôt commence l’entretien suivant :

le comte de plouernel. — Permettez-moi, mes amis, d’user d’une mode anglaise récemment introduite en France, et de porter un premier toast à madame la marquise Aldini, qui a daigné me faire l’honneur d’assister à notre souper… (Il se lève en tenant son verre à la main.) À madame la marquise Aldini !

Tous les convives se lèvent, ainsi que le comte, tenant à la main leur verre, et répètent : — À madame la marquise Aldini ! — Puis ils boivent et se rassoient. Victoria se lève à son tour tenant à la main son verre plein. Tous les regards s’attachent sur elle, et après un moment de recueillement, elle prononce les paroles suivantes d’une voix mâle et vibrante :