Victoria est interrompue par la rentrée de l’un des laquais que M. de Plouernel avait renvoyés de la salle à manger, afin que les convives pussent s’entretenir confidemment.
le laquais. — L’intendant de monseigneur demande à lui parler sur-le-champ.
le comte de plouernel. — Qu’il entre. (Le laquais sort ; et M. de Plouernel s’adressant à ses convives :) — J’ai chargé mon intendant d’envoyer plusieurs de mes gens déguisés s’informer par eux-mêmes de ce qui se passe dans les quartiers de Paris les plus agités.
victoria. — Il est en effet très-utile d’être exactement renseigné là-dessus…
(L’intendant entre, salue humblement la compagnie et reste au seuil de la porte.)
le comte de plouernel, à l’intendant. — Eh bien ! maître Robert… quelles nouvelles ?
l’intendant. — Hélas ! elles sont bien mauvaises, monseigneur…
le comte de plouernel. — Enfin, quelles sont-elles ?
l’intendant. — L’un de nos gens arrive du faubourg Saint-Antoine.
le comte de plouernel. — Le pire de tous ! À tout seigneur tout honneur… Eh bien, quoi de nouveau en ce maudit faubourg ?
l’intendant, d’une voix lamentable. — La rue Saint-Antoine est couverte de barricades ; on fabrique des piques dans tous les ateliers de serruriers ou de forgerons ; les maisons sont illuminées… On voit sur les toits des gens qui y transportent des poutres, des pavés, pour écraser les troupes de S. M. notre bon roi Louis XVI, que Dieu garde !… Des femmes, des enfants fondent des balles et confectionnent des cartouches. Les scélérats ont pillé toutes les boutiques d’armuriers du quartier. Enfin, monseigneur, tout ce mauvais peuple grouille dans les rues et pousse des hurlements de damnés… surtout à l’encontre de S. M. notre bonne reine, et de S. A. R. monseigneur