Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 13.djvu/98

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lettre à travers le grillage du guichet : — Voilà le poulet… Il me faut la réponse.

— Vous l’aurez quand j’aurai lu la lettre… Attendez.

— Me faire attendre à la porte… comme un chien… moi… moi, premier laquais de monseigneur : tu me payeras cela… pourceau d’Israël… si tu viens jamais à l’hôtel !

Samuel, sans prêter la moindre attention à ces insolences, lit la lettre du comte de Plouernel à la clarté de la lampe, puis répond au laquais :

— Dites à votre maître que j’irai chez lui demain matin à son hôtel.

— Vous ne me donnez pas de réponse écrite ?…

— Non…

— Chien de juif…

— Bonsoir, l’ami…

Puis, laissant le valet maugréer au dehors, Samuel rentre dans la chambre basse, et Bethsabée lui dit avec une accent de légère inquiétude :

— Mon ami… quel était ce bruit… Il m’a semblé entendre une voix menaçante ?

— C’était celle d’un laquais ivre… Il m’apportait une lettre du comte de Plouernel…

— Sans doute c’est encore une demande d’emprunt… ce grand seigneur est si prodigue…

— Il me demande, en effet, de lui procurer un emprunt de cent mille livres… car il me croit trop pauvre pour lui avancer cette somme.

— Et tu la lui prêteras ?

— Certes, moyennant d’excellentes garanties… et au denier trente… Le comte est solvable, je me plais à le rançonner, ainsi que d’autres seigneurs, au profit de la caisse des Voyants… Ah ! messeigneurs, messeigneurs ! vous nous aidez à forger les armes qui vous frapperont plus tôt que vous ne le croyez !