Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 13.djvu/99

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Samuel prononçait ces mots, lorsque le prince Frantz de Gerolstein, accompagné d’une autre personne, entre dans la chambre. Tous deux restent seuls tandis que Samuel et Bethsabée montent à l’étage supérieur du bâtiment.


Le prince Frantz de Gerolstein, alors âgé d’environ vingt-cinq ans, d’une haute stature à la fois élégante et robuste, doué d’une physionomie noble, expressive, ou se lisaient la franchise, la résolution, la bonté, était vêtu en chenille, ainsi que l’on dit de nos jours ; en d’autres termes, avec une extrême simplicité. Son compagnon, ou plutôt sa compagne, portait des habits d’homme non moins simples que ceux du prince. Elle paraissait aussi jeune que lui, quoiqu’elle eut trente ans ; ses traits virils, malgré leur rare beauté, sa taille svelte, élevée, quelque chose de hardi dans son maintien, et jusqu’au duvet brun qui estompait fortement sa lèvre supérieure, tout s’harmonisait avec ses vêtements masculins ; la poudre ne cachait pas le luisant ébène de ses cheveux, dont les faces bouclées encadraient son visage, et qui se reliaient derrière sa nuque dans une légère bourse de soie flottant sur le collet de son habit. La beauté remarquable de cette jeune femme avait un caractère sinistre ; sa pâleur de marbre, le feu sombre de ses grands yeux noirs, la contraction presque continue de ses sourcils, la vague amertume du sourire parfois cruel qui souvent contractait ses lèvres d’un rouge de sang, tout semblait témoigner du ravage des passions ou d’un incurable chagrin.

Lorsque Frantz de Gerolstein et sa compagne furent entrés dans la salle basse, le prince garda un moment le silence ; puis d’une voix grave, presque solennelle :

— Victoria… il y a trois mois, je visitais en curieux la prison des filles repenties… votre beauté, empreinte d’une tristesse profonde, m’a tout d’abord frappé… Je me suis informé des causes qui