Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 14.djvu/115

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sés, les marches de l’estrade disparaissaient littéralement sous les cadavres. L’un d’eux était celui d’un beau jeune homme de vingt ans à peine ; il avait reçu la mort au moment où, agenouillé, la tête levée vers les cieux, comme pour les prendre à témoin de cette abominable tuerie, il tenait encore embrassée l’une des statues symboliques, formant les angles de l’autel de la Patrie. Ce malheureux, frappé dans cette position suppliante, y restait encore…

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De retour ici chez nous avec Victoria, j’ai, après une heure de repos, voulu ce soir même consigner dans mon journal le fidèle récit de cette fatale journée du 17 juillet 1791… — oh ! à jamais fatale… car elle va creuser entre le peuple et la bourgeoisie, entre les constitutionnels et les républicains, un abîme de haines inexorables…

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J’ai joint à mon récit, en le recopiant dans notre légende, ce fragment d’un article de Camille Desmoulins, qui explique les causes du massacre du champ de Mars. Il a écrit cet article d’après les renseignements à lui donnés par Prud’homme, écrivain patriote, et, comme moi, l’un des témoins oculaires des faits de ce jour ; ces faits, je les ai depuis contrôlés à l’aide de plusieurs pièces officielles publiées par la commune de Paris pour sa justification. Il résulte de cet examen comparatif que la narration de Camille Desmoulins (sauf un point noté par moi) est d’une scrupuleuse exactitude.

Camille Desmoulins, envoyant à La Fayette sa démission de journaliste :

« Nous avions tort, la chose est par trop claire,
» Et vos fusils ont prouvé cette affaire.

» La Fayette ! libérateur des Deux Mondes ! fleur des janissaires-agas ! phénix des alguazils-majors ! don Quichotte des Capets et des deux chambres ! constellation du cheval blanc ! je profite du premier moment où j’ai touché une terre de liberté pour vous envoyer ma démission de journaliste et de censeur national que vous me