Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 14.djvu/127

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autres corps d’armée sont commandés par le marquis de Rochambeau et par le maréchal de Lukner, tous deux non moins ennemis de la révolution que les généraux et la plupart des officiers aristocrates servant sous leurs ordres. Le choix de ces commandants en chef royalistes ou contre-révolutionnaires, à qui Louis XVI confie la défense de nos frontières, n’éclaire pas encore l’opinion publique, violemment irritée de l’insolent manifeste des coalisés réunis à Pilnitz et entraînée par ces chaleureuses mais intempestives paroles d’Isnard à l’Assemblée : — « Déchaînons la guerre des peuples contre les rois. » — L’opinion publique s’enflamme, s’égare… mais Robespierre veillait aux Jacobins, où déjà il exerçait l’irrésistible dictature du civisme et du génie ; jamais plus qu’en cette question de guerre, prématurément soulevée par les girondins (ce fut leur erreur), jamais ce grand homme n’a montré plus de sang-froid politique, plus de profondeur de vues ; sa vigilante sagacité perçait à vif et à fond la trame infernale ourdie par Louis XVI et par les ennemis de la révolution, puis, rare courage ! Robespierre osait risquer la perte de son immense popularité en s’opposant avec le calme intrépide de la raison au flot de l’opinion publique, qui, dans son généreux aveuglement, poussait, ou du moins croyait pousser à la guerre révolutionnaire.

Du reste, il faut le dire, Danton et Billaud-Varenne, sans apporter dans la discussion qui s’ouvrit aux Jacobins autant de lucidité, autant d’inexorable logique que Robespierre, eurent comme lui la prévision des sinistres complots cachés sous ce prétexte de guerre. Dans cette circonstance solennelle, entre mille autres, il m’a été démontré de quelle indispensable utilité sont les clubs pour un pays libre : le club est l’école politique des citoyens ; là, toutes les questions d’une importance capitale pour la chose commune sont étudiées, discutées avec une chaleur, une liberté, une heureuse audace, qui n’existent jamais dans une assemblée parlementaire, et qui, presque toujours, réagissent salutairement sur elle ; les mandataires