Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 14.djvu/128

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du peuple, dont elle est composée, se sentent incessamment placés sous le sévère contrôle, sous la surveillance attentive du souverain.

Dans cette séance mémorable des Jacobins (12 décembre 1791), plusieurs orateurs prirent la parole avant Robespierre, et tous eurent comme lui, je le répète, la prévision des sinistres projets de la cour.

« — Je ne viens pas m’élever contre la cruelle nécessité d’une guerre inévitable, — dit Billaud-Varennes, — non ! car, lorsqu’en 1789, l’on s’applaudissait, disant que jamais révolution n’avait coûté si peu de sang, j’ai toujours répondu : qu’un peuple qui brisait le joug de la tyrannie ne pouvait sceller irrévocablement sa liberté qu’en traçant l’acte qui la consacre avec la pointe des baïonnettes ! mais au moins faut-il les plonger dans le sein de nos ennemis ! c’est pour s’en débarrasser à jamais qu’il faut les combattre ! Mais, je l’avoue, citoyens, il n’en est pas ainsi ; je ne peux me défendre d’un mouvement de suspicion, voyant le roi, acceptant cette fois sans conteste les vues de l’Assemblée, venir lui proposer une déclaration de guerre aux princes d’Allemagne pour le 15 janvier prochain. — Proposer la guerre ! alors que les officiers manquent ! que les régiments sont incomplets ! les gardes nationales sans équipement pour la plupart ! nos places frontières sans munitions de guerre ! et presque ouvertes à l’ennemi ! soit par le défaut de garnison, soit par leur esprit contre-révolutionnaire ! a-t-on jamais mis plus en évidence un plan de contre-révolution… dont l’exécution serait aussi facile que certaine ?… »

« — Si la question était de savoir si en définitive nous aurons la guerre ! je répondrais… oui… — dit à son tour Danton. — Oui, les clairons de la guerre sonneront ; oui, l’ange exterminateur de la liberté fera tomber les satellites du despotisme ; mais, quand devons-nous avoir la guerre ? n’est-ce pas après avoir bien jugé notre situation ? après avoir tout pesé, après avoir surtout profondément scruté les intentions du roi qui vient nous proposer la guerre ? Quand je dis que je m’oppose à la guerre, je veux dire