Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 14.djvu/136

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nons ; des officiers municipaux se portent au-devant de la multitude et l’engagent, au nom de la loi, à se séparer.

« — Nous connaissons la loi et nous la respecterons, — répond un citoyen. — Nous voulons porter une pétition à l’Assemblée nationale pour l’assurer du concours du peuple, et, ensuite, nous voulons planter un arbre de la liberté sur la terrasse des Tuileries, afin d’avertir Louis XVI que le peuple veille, et que si on le pousse à bout… il saura punir les traîtres.

Les officiers municipaux insistent encore pour que la foule se dissipe, on leur répond :

« — Vous faites votre devoir de magistrats, nous faisons, nous, notre devoir de bons citoyens ; nos intentions sont pacifiques : vous en serez témoins en vous joignant à nous ; mais, dans le cas où l’on voudrait nous disperser à coups de fusil et de canon… remarquez, citoyens, que nous avons aussi des fusils et des canons… Nous nous souvenons du champ de Mars. »

L’immense colonne, encore grossie sur sa route, arrive aux abords de l’Assemblée nationale ; les délégués de la manifestation sont introduits à la barre, leur orateur s’exprime ainsi :

« — Législateurs, le peuple vient aujourd’hui vous faire part de ses craintes et de ses inquiétudes. Ce jour nous rappelle l’époque mémorable du 20 juin 1789, au Jeu de Paume, où les représentants de la nation se sont réunis et ont juré à la face du ciel de ne point abandonner notre cause, de mourir pour la défendre ! Le peuple est debout et à la hauteur des circonstances, prêt à user de moyens décisifs pour venger sa majesté outragée ! Ces moyens de rigueur sont justifiés par l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme : Résistance à l’oppression

» Quel malheur, cependant, pour des hommes libres, qui vous ont transmis tous leurs pouvoirs, de se voir peut-être réduits à la cruelle nécessité de tremper leurs mains dans le sang des conspirateurs ; mais il n’est plus temps de le dissimuler, la trame est dé-