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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 14.djvu/148

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« — Au mois de juillet 1792, à ce moment où la liberté naissante se débattait contre les complots sentis, mais invisibles du pouvoir exécutif, je fis avec Brissot, Gensonné, Guadet, Condorcet, Kersaint, Antonelle, plusieurs de ces dîners où les patriotes se concertent, tandis que dans d’autres dîners les tyrans et les esclaves conspirent ; là, tous les cœurs, tous les vœux, tous les projets étaient républicains. L’on ne voyait pas seulement que la constitution était violée, l’on voyait encore qu’elle donnait au pouvoir exécutif le moyen de la violer toujours. La nécessité d’avoir une autre constitution pour sauver la liberté et de n’avoir plus de roi était convenue par tous. Les avis étaient divers sur les mesures si difficiles à bien choisir et à bien suivre ; le mien était qu’il ne fallait pas faire de petites attaques, qu’il n’en fallait faire aucune ou une très-grande ; que l’on en faisait trop ou trop peu ; que par de vaines manifestations on donnait au roi les moyens de se revêtir des apparences d’un opprimé, tandis qu’il n’était qu’un traître ; et qu’enfin si l’insurrection devait éclater, l’Assemblée nationale elle-même devait en lever l’étendard et en prendre la direction, environner le château d’une armée appelée par un décret, mettre les scellés sur tous les papiers et la main sur toutes les preuves de la trahison de Louis XVI. »

Le projet de Garat ne fut pas adopté, la majorité de l’Assemblée manquait d’énergie révolutionnaire. Heureusement la population de Paris se montrait à la hauteur de ces grands événements. En outre des clubs, les citoyens de chacune des sections de Paris se réunissaient chaque soir afin de délibérer publiquement sur la chose commune. La section des Quinze-Vingts (faubourg Saint-Antoine) était de toutes la plus influente par son ardent patriotisme. Le procès-verbal suivant, de l’une de ses premières séances du mois d’août, montre que déjà l’on songeait à l’insurrection, d’abord fixée au 5, puis remise au 10 de ce mois.