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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 14.djvu/153

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Les représentants du peuple, dont le nombre augmentait de moment en moment, se formaient en groupes animés avant d’ouvrir la séance. Au milieu de l’un de ces groupes, j’entendis un représentant s’écrier :

— Le canon est la dernière raison des tyrans ! Les piques et l’insurrection sont la dernière raison des peuples !

Les personnes dont se remplissaient peu à peu les tribunes publiques racontaient que toutes les sections de Paris se réunissaient en armes dans leur quartier ; leurs commissaires étaient en marche vers l’Hôtel de Ville avec Robespierre, afin de s’emparer du pouvoir de la commune de Paris ; les fédérés marseillais, rassemblés aux Cordeliers, d’après l’excellent conseil de Robespierre, venaient d’envoyer une patrouille dans les environs des Tuileries ; ils avaient arrêté, près du Carrousel, une contre-patrouille de royalistes, parmi lesquels se trouvaient, armés de poignards, le journaliste Suleau, l’abbé Bourgon et un ex-garde du corps nommé le Beau Vigier. L’on disait aussi que plus de deux mille ci-devant nobles, convoqués aux Tuileries, ainsi qu’un grand nombre d’anciens officiers ou de gardes du corps, recevaient des armes à mesure qu’ils arrivaient au château défendu par une nombreuse artillerie. Les régiments suisses, renforcés de ceux de la caserne de Courbevoie, se trouvaient au grand complet ; le roi faisait enfin de formidables préparatifs de combat, et Mandat, commandant des gardes nationales et feuillant déterminé, était résolu d’écraser l’insurrection. Les abords du château étaient gardés par la gendarmerie à pied et à cheval ; tout annonçait enfin une résistance désespérée, et si la lutte s’engageait entre le peuple et les défenseurs des Tuileries, ce devait être une véritable bataille rangée.

Les représentants, réunis au nombre de deux cents environ, se disposent vers les deux heures du matin à ouvrir leur séance ; le tocsin, accompagné du bruit lointain des tambours battant le rappel ou la générale, se fait toujours entendre. Le citoyen Pastoret, en l’ab-