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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 14.djvu/187

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Que vous dirai-je, fils de Joël, vaincus et vainqueurs fraternisaient dans la plus sainte, dans la plus adorable expression de ce sentiment céleste ! C’était le renouvellement de la scène si touchante du citoyen Clément et du soldat suisse qu’il demandait à recueillir chez lui ; mais cette scène était centuplée de puissance par le nombre des sauveurs et des sauvés ! Cette fois encore l’Assemblée tout entière, se levant dans son admiration pour ce peuple si calomnié, fit éclater son enthousiasme par des acclamations, par des bravos, qui firent trembler les vitres de la salle…

Enfin, ce qui complétait le caractère solennel de ce grand spectacle, c’est qu’il avait pour témoins cette famille royale prisonnière, par un tardif et terrible retour de justice ! Cette famille royale, au nom de laquelle s’était livré ce combat meurtrier, alors qu’il n’avait pas même le prétexte du salut du roi et des siens, tranquillement en sûreté pendant la lutte !

L’indicible émotion de l’Assemblée s’apaise peu à peu, le silence se rétablit, et l’un des patriotes qui viennent de ramener les Suisses s’avançant à la barre :

« — Citoyen président, l’un de ces braves soldats parle très-bien français ; il demande, au nom de ses camarades, d’expliquer leur conduite.

» le président. — Qu’il parle. »

Un jeune sergent suisse s’avance à la barre et dit d’une voix émue :

« — Si le roi et la famille royale fussent restés au château, nous nous serions fait tuer jusqu’au dernier pour les défendre ! ! C’était notre devoir de soldats ! (Applaudissements des patriotes.) Mais sachant le départ du roi, nous avons refusé de tirer sur le peuple malgré les ordres… malgré les menaces de nos officiers… Eux seuls sont responsables du sang qui a coulé… C’est l’un d’eux et un gentilhomme du château qui ont fait feu du haut des marches de l’escalier du vestibule au moment où nous fraternisions avec les sectionnaires. Ceux-ci se sont crus trahis… ils ont fait feu à leur