Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 14.djvu/21

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espérait s’emparer complètement de la Pologne, grâce à la conflagration générale ; mais surtout, et avant tout, cette formidable coalition voulait exterminer la révolution. Les émigrés, par leurs promesses, où la haine le disputait à l’absurde ; la cour, par sa correspondance occulte et par ses envoyés secrets, exaltaient l’espoir des monarques étrangers, les assuraient d’une facile et prompte victoire : la France était, disait-on, livrée à une sauvage anarchie, sans finances, et, à bien dire, sans armée ; les troupes, désorganisées, ne connaissaient plus ni frein ni discipline ; la plupart de leurs officiers ou des généraux appartenaient à la noblesse ou à l’opinion royaliste. Enfin, le clergé attendait le moment de souffler le feu de la guerre civile, en enflammant le fanatisme des populations crédules de certaines provinces, et les armant contre la révolution, au nom de l’Église outragée, dépouillée dans la personne de ses ministres. La cour et Louis XVI, s’abusant eux-mêmes par leurs folles et criminelles espérances, se croyaient à l’heure du triomphe. N’avaient-ils pas d’ailleurs récemment acheté le grand Mirabeau, le fougueux tribun, le sublime orateur qui avait si puissamment servi jusqu’alors la cause de la liberté ? Oui, ce traître, dans le vertige de son orgueil, immense comme son génie, promettait à Louis XVI de dompter la révolution, qu’il avait été l’un des premiers à déchaîner… s’engageait à raffermir, à rétablir sur ses bases traditionnelles cette monarchie chancelante encore des rudes coups qu’il lui avait portés… Hélas ! il n’était que trop vrai, fils de Joël, Mirabeau, ce puissant esprit, succombait à l’inexorable logique de son immoralité, aux conséquences des honteux désordres de sa jeunesse et de la corruption effrénée de ses mœurs ! Criblé de dettes, dévoré de la soif du luxe et des plaisirs, il se vendit, croyant vendre la révolution ! il se vendit à la cour, moyennant un million comptant et une pension de cent mille livres par mois… La mort ne lui permit pas de jouir des fruits de son infâme trahison, dont il est malheureusement impossible de douter. À peine eut-il ressenti les premières atteintes de