Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 14.djvu/240

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de la prison. Un homme surpris volant un mouchoir a été tué ; le peuple avait organisé un tribunal composé de onze personnes : elles jugeaient les prisonniers d’après les charges portées contre eux par le livre d’écrou ; et ensuite de diverses questions à eux adressées, les juges apposaient leurs mains sur la tête de l’accusé en disant : — Citoyens, en votre âme et conscience, croyez-vous cet homme coupable ? — S’il était reconnu coupable, on en faisait justice ; s’il était reconnu innocent, il était mis en liberté aux joyeux cris de : Vive la nation ! »

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En ce moment, j’ai quitté la salle des séances de l’Assemblée, l’un de mes camarades étant venu m’avertir que, bientôt, nous allions paraître devant le comité militaire, afin de nous inscrire pour la fabrication des armes ; le comité avait, ce jour-là, pour président Carnot l’aîné, officier du génie, l’un des plus nobles caractères de la révolution et l’un des plus grands capitaines de notre temps, possédant, dit-on, à ce point la science de la stratégie, et doué d’un coup d’œil militaire si prompt, si sûr, qu’il serait capable de diriger, du fond de son cabinet, les mouvements d’une armée en campagne ; enfin, sans égal pour l’organisation des troupes, il est à l’administration de la guerre ce que Cambon est aux finances ; tous deux, d’ailleurs, sont d’une intégrité que l’on remarquerait, si l’intégrité n’était l’une des vertus civiques les plus vulgaires de notre époque. Je me suis inscrit au comité en ma qualité d’artisan serrurier ; j’ai reçu l’ordre de me rendre le lendemain, au point du jour, dans l’orangerie du Louvre, où l’on établissait en hâte l’un des ateliers de fabrication d’armes de guerre ; il me fallait ainsi, décidément, renoncer à mon espoir de rejoindre l’armée. Ce vœu, je l’ai dit, m’avait été dicté autant par ma volonté d’accomplir mon devoir de citoyen que par mon désir de m’éloigner pendant quelque temps de Victoria. Sa participation au massacre des prisons me causait un violent chagrin ; aussi, pour la première fois, ce soir-là, en rega-