Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 14.djvu/272

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» On assure que dans ces exécutions des innocents ont péri ; on s’est plu à en exagérer le nombre. Un seul, c’est trop, sans doute, citoyens ; pleurez cette méprise cruelle, nous l’avons longtemps pleurée. Pleurez même les victimes coupables réservées à la vengeance des lois, et qui sont tombées sous le glaive de la justice populaire. »

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Oui, fils de Joël, pleurons avec Robespierre « les victimes coupables réservées à la vengeance des lois, et qui sont tombées sous le glaive de la justice populaire, » — car, en les frappant, ce glaive a changé les criminels en martyrs !

Ah ! pleurons-les, ces néfastes journées : elles ont plongé un peuple vaillant, généreux, dans l’ivresse du sang, qui, ainsi que le disait Victoria, trouble, égare l’esprit, comme l’ivresse du vin, et pousse à des atrocités inouïes ceux-là mêmes qui, au lieu de les commettre, reculeraient d’horreur devant elles s’ils jouissaient de leur raison. Mais, hélas ! elle est irrésistible cette effroyable ivresse du sang ! Est-ce que l’on peut, de sang-froid, immoler un ennemi sans défense ? Non ; aussi, après le premier coup porté, l’on frappe pour s’étourdir !! Alors le terrible enivrement vous gagne, l’on devient bientôt fou furieux ! l’on s’acharne sur un cadavre inanimé, on le mutile, on le met en lambeaux. L’ivresse augmente… il ne suffit plus de donner la mort à son ennemi : cette mort, trop prompte, on la prolonge par des raffinements affreux. Les cris, les hurlements de la victime exaltent la férocité jusqu’au délire ; et lorsqu’elle a atteint son paroxysme, la lassitude du meurtre vous plonge dans une sorte d’abattement, précurseur du réveil de la raison ! Elle revient peu à peu, et avec elle naît une croissante horreur des actes sans nom auxquels l’on s’est livré, et dont les sanglants témoignages vous entourent !

L’on n’y peut croire, on interroge ses souvenirs !… On s’est spontanément porté aux prisons, dans un élan de courroux légitime, afin