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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 14.djvu/275

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et l’exécution des coupables aux délais ordinaires d’une procédure qui pouvait durer plus d’une année ! Je prétends, moi, que cette mesure de salut public a sauvé la patrie !

» — Je pourrais, — dis-je à Billaud‑Varenne, — vous répondre que les lois de la morale, de la justice éternelle et de l’humanité, sont au-dessus des prétendues lois du salut public ; oui, si par impossible, la patrie ne pouvait être momentanément sauvée que par des actes monstrueux, je dirais : Périsse la patrie ! car si elle ne peut vivre que par le mal, que par l’iniquité, que par la violence, que par le massacre, elle est indigne de figurer parmi les nations, et elle est inévitablement destinée à périr tôt ou tard ! Mais, me renfermant uniquement dans le domaine des faits accomplis, je vous répondrai : De deux choses l’une : ou l’étranger eût envahi la France, mis Paris à feu et à sang et vaincu la révolution ! En ce cas, l’accomplissement des scélératesses tramées par les prisonniers ne pouvait aggraver les malheurs publics ; ou bien, et ceci est advenu, les armées ennemies seraient refoulées au delà de nos frontières, la révolution victorieuse et la république proclamée. En ce cas, les complots des royalistes avortaient, puisqu’il suffisait de garder les prisons avec vigilance pour conjurer les maux que l’on redoutait : alors, le procès intenté à nos ennemis suivait son cours régulier ; ils eussent juridiquement payé de leurs têtes leurs complots horribles, et l’on n’aurait pas à reprocher à la révolution les journées de septembre.

» — Il n’existe à ceci que cette objection, — me répondit Billaud‑Varenne, — à savoir, que sans la terreur imprimée par les journées de septembre aux royalistes du dedans et du dehors, aux contre-révolutionnaires encore nombreux, même parmi les officiers de nos armées, elles étaient vaincues par la défection des traîtres ; ce premier échec devenait le signal de la guerre civile, déchaînée dans l’Ouest et dans le Midi à la voix des prêtres ; le royalisme sortait de ses repaires, la révolution était perdue, et la monarchie