fils de Joël, à l’appui de cette affirmation : — Que, si généreux que soit un peuple, il commet inévitablement des actes horribles lorsqu’il substitue sa justice directe à la justice de la loi, surtout alors que lui-même, ainsi qu’à notre époque, ayant reconquis la plénitude de ses droits souverains, nomme par l’élection les juges et les jurés chargés de prononcer légalement sur le sort des accusés.
Ah ! je ne sais quelles épreuves, quelles luttes nous sont encore réservées dans l’avenir, mais des journées de septembre, souvenez-vous, fils de Joël ! souvenez-vous ! Oui, quels que soient les crimes de nos ennemis, qu’ils tombent sous la hache de la loi, jamais sous le couteau des égorgeurs ; et ainsi, au lieu d’être pour la postérité un sujet de pitié, la mémoire des criminels restera pour jamais flétrie, personne ne les plaindra !
Un dernier mot, qui résume les deux appréciations inévitables des événements de septembre, desquels je causais un jour avec Billaud‑Varenne ; il les approuvait, contre mon opinion, et me répondit ceci :
« — Vous prétendez que l’on aurait du juger selon la loi les prisonniers massacrés en septembre ?
» — Oui.
» — Vous savez que leur nombre s’élevait à quatorze cent vingt. Or, combien de temps aurait duré le jugement légal de ces quatorze cent vingt prisonniers ? Interrogatoire des prévenus, audition des témoins, défense des avocats, résumé du président du jury, etc. ; supposez que le tribunal eût pu juger quatre à cinq accusés par jour, et c’est beaucoup, les jugements auraient duré au moins un an ! ! ! songez-y. Et l’ennemi était à nos portes, et les conspirations tramées par les prisonniers nous entouraient, nous menaçaient de toutes parts ; et l’opinion publique était exaspérée par les scandaleux acquittements de la haute cour d’Orléans ! Quoi ! au milieu de ces circonstances fiévreuses, brûlantes, précipitées comme la marche des événements, s’en remettre pour le jugement