Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 14.djvu/289

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s’il n’avait pas un beau-frère siégeant à la Convention parmi les montagnards !

— Mon ami, il m’est pénible d’entendre ces reproches cruels adressés à mon frère, alors qu’il est exposé à de grands périls, peut-être…

— Et à qui la faute, encore une fois ; sinon à la violence, à l’aveuglement de son caractère ? Il abhorre, dit-il, les excès de la révolution ! Hélas ! moi aussi, je les abhorre, je les exècre, depuis la prise de la Bastille, qui a été le signal des déchaînements de la populace, jusqu’à l’abominable insurrection du 10 août, qui a renversé la monarchie, amené les massacres de septembre, qui amèneront à leur tour la mort du roi, car il sera condamné.

— Grand Dieu !

— Ils veulent sa mort, te dis-je ! Ils ont soif de son sang : c’est demain que ce malheureux prince sera traîné à la barre de la Convention, interrogé pour la forme ; après quoi, ses juges… non, non, ses bourreaux… voteront sa mort…

— Est-il possible ? Le roi !  ! le roi condamné à mort par ses sujets ! le roi !  !

— C’est horrible ! Ah ! mes collègues de la Convention ne sont pas des hommes, te dis-je… ce sont des tigres, des cannibales !

— Et ce vote, cet horrible vote sera rendu public ?

— Certes ; vote à la tribune… et motivé…

— Est-il possible, mon ami ? Mais, alors… ah ! je tremble…

— Que veux-tu dire ?

— Puisque ce vote sera public, comment feras-tu, toi, qui sièges à la Convention parmi ces bourreaux ?

— Explique-toi.

— Enfin, le régicide… car voter la mort de son roi, c’est commettre ce grand crime, le régicide révolte ton cœur, tu t’exposeras donc aux fureurs de ces cannibales en refusant… et tu seras le seul, peut-être, en refusant de voter la mort de ce prince infortuné ?