Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 14.djvu/295

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même m’écrire, afin de m’engager à revenir auprès de toi avec notre fille.

— J’ai en vue pour elle un mariage…

— Que dis-tu ?

— … Et j’attacherais à ce mariage la plus haute importance politique ; car ainsi, je deviendrais le beau-père d’un homme appelé à compter bientôt parmi les personnages les plus influents de la révolution, autant par ses talents politiques que par son audace et son inflexible énergie : il est très-jeune, d’une beauté remarquable, appartient à une excellente famille de la haute bourgeoisie, touchant même à la noblesse… ce qui ne gâte jamais rien. Il est, enfin, l’ami intime, l’élève, le séide, le bras droit de Robespierre, qui, tôt ou tard, et plus tôt que plus tard, du train dont vont les choses à la Convention, deviendra maître absolu de la situation. Ce jeune homme, qui s’est déjà révélé à l’Assemblée par deux discours dont le retentissement a été immense, se nomme M. de Saint‑Just.

— Grand Dieu !

— Qu’as-tu ?

— Hélas ! mon ami, à Lyon, j’ai entendu parler de ce jeune homme…

— Eh bien !

— Son nom excite la même exécration que ceux de Robespierre et de Marat.

— Chez les royalistes ?

— Non-seulement chez les royalistes, mais même chez les républicains modérés de la nuance des girondins.

— Il en est de même ici, et c’est précisément en raison de l’aversion qu’il inspire aux royalistes, aux girondins, aux modérés, que j’ai jeté les yeux sur M. de Saint‑Just, et que j’ai le plus grand désir de l’avoir pour gendre. L’un de nos amis communs, Billaud‑Varenne, a dû, aujourd’hui même, faire à mon jeune collègue des ouvertures au sujet de ce mariage, qui, sous le rapport de la fortune, et je peux